Non la technique de course parfaite n’existe pas. Je me suis fait cette réflexion il y a quelque temps en regardant la tentative de record du monde du 100 km de Jim Walmsley.
Et comme souvent en le regardant, j’ai été fasciné par cette foulée si atypique en particulier pour un coureur d’ultra. 160 de cadence, une oscillation verticale importante et un rebond au sol qui fait plus penser à un coureur de 5 000 m qu’à un cent bornard. Pourtant il a couru à 3’41/km de moyenne pendant 100 km.
La foulée parfaite vous dites ? Clairement ça n’est pas à lui que beaucoup l’attribueraient. Pourtant ça marche pour lui. La technique de course parfaite, on l’imagine tous en regardant un coureur comme Eliud Kipchoge. C’est vrai que c’est beau à voir, c’est fluide, on a l’impression que ça avance tout seul !
Et quand on regarde la nôtre, on déprime et on se dit qu’on en est loin, très loin. Le fait est qu’analyser les choses de la sorte et faire une comparaison est une très mauvaise chose. Encore plus si vous commencez à vous comparer avec le meilleur du monde. Je vais vous expliquer pourquoi la technique de course parfaite est un mythe et qu’elle n’existe tout simplement pas. Même si travailler sa technique de course et l’améliorer reste un des axes de progression majeurs en course à pied, c’est tout le paradoxe qu’on va discuter dans cet article.
Technique de course parfaite ? Ne vous comparez surtout pas aux meilleurs !
Pour commencer je voudrais casser le mythe tout de suite ! Même si vous travaillez tous les jours votre foulée, elle ne ressemblera JAMAIS à celle d’Eliud Kipchoge. D’abord parce qu’une foulée c’est très individuel. On a tous un physique différent, que ce soit dans notre anatomie ou dans notre flexibilité naturelle. Le geste le plus économique pour un coureur A ne générera pas forcément la même économie chez un coureur B et inversement. On le verra plus tard en analysant le contre-exemple parfait qu’est Jim Walmsley.
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Visuellement votre technique de course sera différente selon la vitesse
Si vous courez à votre allure marathon, la vitesse sera beaucoup plus basse que celle de Kipchoge. Donc forcément la technique en sera donc transformée, c’est mécanique. N’imaginez pas qu’à 12 ou même 14 km/h, Kipchoge a cette amplitude de foulée, ce talon qui remonte vers la fesse et qui vous donne cette impression de fluidité. Non, c’est une caractéristique liée à la vitesse qu’il est utopique de rechercher si on court beaucoup plus lentement.
Il faut se rappeler que la vitesse est représentée par la cadence de course, le nombre de pas par minute multiplié par la longueur de la foulée. Et que la cadence est relativement stable quelle que soit la vitesse. Je dis relativement, dans une zone de 170 à 190 pas par minute.
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Courir à 21 km/h, c’est 180ppm et des pas de 1m95
Courir à 21km/h n’a rien à voir avec ce que demande de courir à 15km/h ! Pour Kipchoge son marathon se court avec des foulées de 1m95 ce qui lui demande de pousser loin derrière, d’avoir cet important travail de la chaîne postérieure et donc un pied qui va mécaniquement remonter vers les fesses. À 12 km/h avec une cadence identique, on a besoin de pas de 1m10 seulement. Ce qui demande évidemment beaucoup moins de travail de poussée et une foulée naturellement plus restreinte ! Et oui, c’est visuellement moins agréable mais pas moins efficace !
Est-ce que ça veut dire que votre foulée n’est PAS efficace parce que vous n’avez pas ce fameux retour aérien du pied ?
Bien sûr que non.
En bref, vous n’avez pas besoin de viser la foulée de tonton Eliud pour courir vite. Même si c’est un modèle d’efficacité, je ne dis pas le contraire. Si on avait des images de Kipchoge qui court à 12 ou 14 km/h, on se rendrait compte du peu d’effort que ça lui demande grâce à l’efficacité de son geste.

Maintenant, il y a plein d’exemples de coureurs extrêmement rapides avec des foulées bien moins esthétiques. Pourtant ils courent quand même le marathon à la même allure que ma VMA ! Et notre bon vieux Jim Walmsley qui court ses 100 km à 3’41 de moyenne en est un excellent exemple.
- Oui sa cadence est plus basse que la recommandation classique.
- Oui son oscillation verticale est un peu plus élevée.
Mais la preuve en est que, pour lui, ça marche. Pour 99,9% des coureurs, courir de la sorte voudrait sûrement dire finir à l’infirmerie sur des longues distances. Il faut en effet des muscles et des tendons en béton pour jouer ce rôle de ressort qui propulse le coureur en avant encore et encore pendant plus de 6h ! Ça paraît beaucoup plus fatigant que de regarder Kipchoge courir. Pourtant les faits sont là et ça n’est pas le seul exemple, on pourrait en analyser d’autres.

La technique de course parfaite c’est la vôtre !
Mais plutôt que de regarder des exemples, je voudrais vous donner un conseil important lorsque vous voulez travailler votre technique de course : l’individualisation ! Parce que oui comme pour l’entraînement, une foulée ça s’individualise. Je le disais au début mais la foulée la plus efficace pour vous n’est pas celle du voisin. Donc pour construire votre foulée efficace, il ne suffit pas d’essayer de copier un geste qu’on vous expliquerait. Si vous avez un profil standard ça va marcher mais ça ne sera pas forcément le cas.
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Si vous n’avez jamais pensé amélioration de votre technique de course, vous courez avec la foulée que votre corps a lui même défini comme « la plus efficace ». Le corps est bien fait il s’optimise tout seul. Malheureusement, un manque de solidité musculaire et tendineuse, un manque de mobilité, et les chaussures de course modernes avec tout leur amorti et leur structure qui guide le pied rendent la foulée d’une majorité de coureur inefficace. Les automatismes du corps se sont créés en prenant en compte tous ces éléments. Et donc la foulée qui est optimale pour vous aujourd’hui est en fait peu efficace dans l’absolu. Et pour pouvoir l’améliorer, il faut travailler les causes primaires.
Travailler à améliorer sa foulée c’est inutile ?
Je ne suis pas en train de vous dire qu’il n’y a pas des paramètres que l’on peut travailler dans sa foulée, comme la cadence ou l’utilisation de sa chaîne postérieure pr exemple. Mais sans travailler les causes, ce travail pourra ne pas avoir les effets escomptés.
On peut parler de pose de pied talon ou medio-pied, d’augmentation cadence, d’oscillation verticale ou de temps de contact au sol etc. Mais la vérité c’est qu’améliorer sa foulée, c’est avant tout se renforcer. On l’a vu plus un peu avant, pour améliorer sa vitesse de course, il faut pousser plus fort à chaque pas. Ça demande du cardio oui. Mais ça demande aussi et surtout une capacité de nos muscles et tendons à utiliser l’énergie de l’impact au sol pour rebondir vers l’avant. On crée la vitesse en poussant fort au moment de l’accélération oui, c’est une phase primordiale de la course. Mais un coureur fort à l’impact au sol pourra emmagasiner la force de l’impact au sol et restituer cette énergie dans la foulée suivante. C’est une énergie « gratuite » qui peut faire une énorme différence au niveau de la vitesse finale !

Énorme à quel point ? Dites-vous qu’avec des muscles et tendons plus solides sur l’impact ou avec plus de mobilité ou avec une petite correction technique, on peut aller grappiller de la longueur dans sa foulée sans dépenser plus d’énergie.
À long terme on parle de km/h de différence, je vous parle vraiment d’un sujet qui peut vous faire gagner autant que vos séances de VMA ou de seuil. Et la bonne nouvelle c’est que c’est complémentaire, on peut gagner sur les deux tableaux à la fois !
En conclusion, ne visez pas cette célèbre technique de course parfaite
Vous pourrez courir après toute votre vie ! Cherchez des petites améliorations qui semblent fonctionner pour vous. Et surtout misez sur les basiques avant tout !